Monsieur le Président de la République française, Emmanuel Macron,
Veuillez accepter nos salutations les plus respectueuses.
Nous sommes un groupe de 442 personnes venues de Chine, membres de l’Eglise de Dieu Tout-Puissant. Parce que nous subissons la répression du gouvernement communiste chinois, nous avons été obligés de nous enfuir pour demander l’asile politique en France. Hélas, à l’heure actuelle, 335 d’entre nous ont vu leur demande rejetée, et 156 ont déjà reçu leur ordre de quitter le territoire français. Nous risquons à chaque instant d’être reconduits à la frontière et renvoyés en Chine. Nous sommes arrivés dans une impasse, et c’est avec le cœur lourd que nous nous tournons vers vous en écrivant ce courrier. Nous vous demandons instamment de tenir compte des grands dangers qui nous guettent, jusque dans notre propre survie.
Nous savons que vous accordez une grande importance à la question des droits de l’homme, et nous croyons que vous avez une compréhension certaine de l’état des violations des droits de l’homme en Chine. Le PCC est un parti révolutionnaire athée. Depuis qu’il a pris le pouvoir en Chine, le PCC a commencé à considérer les chrétiens, catholiques et protestants, comme des « sectes ». Le parti a même placé la Bible dans la catégorie des livres « sectaires », et en a confisqué et brûlé des quantités invraisemblables. De plus, sous prétexte de « lutter contre les sectes », le parti a pourchassé à grande échelle les groupes religieux.
Depuis sa création en 1991, l’Eglise de Dieu Tout-Puissant a été l’une des plus persécutées, des plus réprimées par le PCC. D’après des statistiques incomplètes, il y aurait eu 380.380 chrétiens de l’Eglise de Dieu Tout-Puissant qui ont été arrêtés, jetés en prison et condamnés entre 2011 et 2013. Parmi eux, 43.640 ont subi des tortures diverses de la part de tribunaux clandestins, et 13 d’entre eux ont été battus à mort. Au moins 500.000 chrétiens ont été obligés de fuir leur pays. Le 16 juin 2014, le PCC a lancé à travers le pays la « Bataille des cent jours » pour réprimer complètement l’Eglise de Dieu Tout-Puissant. A partir de ce moment-là, les persécutions n’ont fait qu’empirer.
Si nous restons en Chine, nous n’avons pas d’issue possible, et aucun coin où nous dissimuler. C’est pour cela que nous nous sommes réfugiés en France. Depuis ces quelques années en France, nous avons respecté vos lois, et, tout en affirmant nos croyances spirituelles, nous avons fait des efforts soutenus pour étudier le français, et participer activement à des activités des collectivités locales. Nous faisons de notre mieux pour apporter notre contribution à la société et à la population française.
Toutefois, depuis que l’asile politique nous a été refusé, nous vivons dans l’angoisse de l’extradition. Nous avons été pris par surprise lorsque, le 10 janvier 2018, deux de nos coreligionnaires ont été arrêtées près de la sortie du métro, suite à un contrôle d’identité et en l’absence de titres de séjour valides. Elles ont été envoyées en centre de rétention et ont frôlé l’expulsion du territoire français.
Durant cette période, leur avocate a plaidé à trois reprises pour leur libération ; des pasteurs français, des prêtres sont venus témoigner du fait qu’elles risquaient d’être persécutées en Chine, et qu’elles ne pouvaient pas rentrer dans leur pays. Malgré tout la police et les juges ont persisté pour appliquer la décision de leur expulsion. Au bout de 45 jours, délai maximal de rétention, elles ont été libérées. Au moment de les laisser partir, la Préfecture de police a émis une OQTF de nouveau, et a exigé qu’elles quittent la France par leurs propres moyens. Durant ces 45 jours nous avons prié tous les jours pour elles, mais nous avions tous peur pour notre propre sécurité, et beaucoup n’osaient plus sortir de chez eux, de peur d’être contrôlés pour nos papiers d’identité et puis d’être renvoyés. Lorsqu’il fallait absolument sortir, nous étions pleins d’angoisse, et notre vie quotidienne s’en est trouvée gravement contrainte.
En 2015 le PCC a promulgué une circulaire, qui analysait en détail les données concernant les Chinois ayant quitté le territoire, afin de maîtriser le moindre détail concernant la fuite des chrétiens de l’Eglise de Dieu Tout-Puissant à l’étranger. De plus, au début de l’année 2017, sur le continent chinois, le gouvernement communiste chinois a organisé des recherches « quadrillées » pour repérer tous les membres de l’Eglise de Dieu Tout-Puissant, et ont établi des banques de données sur nous, afin de se livrer à des arrestations en masse. D’après nos informations, parmi les chrétiens de notre église qui se trouvaient à l’étranger, pour la seule année 2017, cinq personnes qui sont revenues de Corée du Sud ont été arrêtées, en Suisse, une croyante qui est rentrée en Chine a également été arrêtée ; quant aux autres, nous n’avons plus d’informations sur eux, et ne savons ni où ils se trouvent, ni s’ils sont toujours en vie ! Autrement dit, si nous sommes extradés vers la Chine, nous risquons une vie en prison, et même la mort.
Ainsi, nous nous adressons à vous par cette lettre pour demander votre aide, pour vous supplier, vous et le gouvernement français, de prendre en considération les dangers que nous courons en cas de retour au pays, afin de supprimer l’ordre de reconduite à la frontière et nous accorder une protection humanitaire, afin que nous puissions fuir la persécution en toute légalité. Nous vous en serions éternellement reconnaissants.
Nous prions pour que Dieu vous protège, vous et votre famille, qu’Il protège la France.
Les chrétiens de l’Eglise de Dieu Tout-Puissant résidant en France
9 mars 2018